Thoan est un excellent jeu de rôle, peut-être pas le meilleur du monde, mais je ne l'en considère pas moins comme très spécial, car la vision qu'il propose m'habitait déjà quand j'ai découvert le livre de base Thoan dans la boutique Jeux Descartes de Pasteur à Paris, au printemps 1995. A l'époque, cette vision était pour moi une matière poétique, une idée subtile que j'avais peur d'abîmer en la touchant. J'ai eu le plaisir de me souvenir d'un rêve qui mettait en scène cette vision. Après mon réveil, j'avais dressé un petit plan des endroits visités.
La vision. Considérons le temps comme un rouleau. Regardons le rouleau ; il commence avec le passé préhistorique et s'achève avec un futur si lointain qu'on est incapable d'imaginer de manière plausible ce qu'y sera la vie. Il y a une petite barre tout au début du rouleau ; c'est la fin de l'Histoire, la date à laquelle tout s'est cristallisé. Ceux qui sont au sommet de l'existence à ce moment sont destinés à y rester jusqu'à la fin des temps, et ceux qui sont bas, qu'ils peinent au labeur ou soient des potentiels inexprimés, sont voués à ne pas connaître d'élévation. Peut-être meurent-ils tous à cette date, les misérables, laissant le vaste monde aux seigneurs. La vie éternelle de ceux-ci écrase par sa durée tout ce qui les a précédés. Guerres, révolutions, joies et peines, amours, dynasties, religions, tout cela n'est qu'une brève anecdote en comparaison de ce qui suit, de l'interminable règne sur un monde où tout a été dompté.
Des palais vides, sans décoration, d'une grande pureté. Le moindre bruit de pas se répercute très loin, mais il n'y a personne pour l'entendre. Un grand silence règne. Peut-être y a-t-il quelqu'un, qui prend un apéritif tout seul. S'il le désire, une musique emplit l'espace.
J'ai la vision du futur lointain.
C'est un couloir vide.
Publié le 20 décembre 2004 sur http://achernar.over-blog.com/article-37039.html.