Je vois des formes se mouvoir sous la peau de mon mollet gauche. Comme si celui-ci était entré en ébullition. Comme s'il avait décidé de servir de matrice à une couvée d'aliens. Après tant d'années silencieuses et secrètes, mon mollet manifeste enfin son libre-arbitre. Libéré, exalté, il danse la danse primale, chaotique et joyeuse de la chair tellement habituée à nous côtoyer qu'elle en avait oublié que nous ne la contrôlions que par quelques maigres impulsions électriques, tels des bourreaux sud-américains.
Je ne le crois pas révolté, agressif. La douleur de la libération est passée. Et puis, il n'a pas de cerveau indépendant, donc il ne peut pas penser. Sauf si mon cerveau est en réalité une excroissance nerveuse de mon mollet, je suppose.
Mollet, m'entends-tu ? Non plus, probablement pas. Mais si, d'une mystérieuse façon, tu es capable de percevoir ma tentative de communication comme moi je perçois la tienne, sache que je t'aime. Je pense que nous pouvons construire de grandes choses ensemble.
Tu n'es plus seul, mollet. Je t'ai remarqué. Désormais, nous sommes deux pour affronter les vicissitudes de l'existence dans cet espace-temps. Liés, tels deux frères siamois, et pourtant indépendants par l'esprit, et pourtant liés, liés par l'amour ! Alléluia !
Ne me refais plus jamais un coup comme ça sur le terrain, s'il te plaît.
Texte publié le 18 janvier 2005 sur http://achernar.over-blog.com/article-65835.html.